Introduction
La coopérative vinicole (Celler modernista, Celler cooperatiu) naît de la nécessité pour les viticulteurs d'unir leurs forces et de gérer ensemble la production de vin. Il fallait trouver de nouvelles solutions architecturales pour la vinification à grande échelle. Cèsar Martinell est un personnage clé, à ce stade. Disciple de Gaudí, c’est lui qui a construit ce qui avait alors été baptisé « cathédrales du vin ». Le bâtiment d’aujourd’hui est le vestige de l'ancienne cave, qui a presque entièrement disparu.
Entre 1918 et 1924, Martinell se lance dans son activité la plus connue : l'architecture agricole. Il construit près d'une cinquantaine de ces bâtiments, principalement des caves à vin, des moulins à huile et un moulin à blé. Il devient spécialiste de la construction de grands bâtiments pour le secteur agricole. Pour les caves à vin, il cherche des référents à l'étranger dans l’œnologie industrielle, mais consulte aussi les viticulteurs et observe de près les pratiques.
Le Sindicato Agrícola y Caja Rural de Sant Medir est fondé en 1921 à Sant Cugat. Il regroupe des petits et moyens vignerons, mais aussi des viticulteurs et viniculteurs locataires. Les statuts énoncent clairement qu’il s’agit de faciliter l’élaboration et la commercialisation du vin, mais aussi de travailler aux objectifs suivants :
- réduction du prix des engrais,
- accès à des machines agricoles,
- création d’une coopérative vinicole,
- diminution des abus du système capitaliste.
Le syndicat compte 51 membres lors de sa création. Ses débuts ne sont pas faciles car certains propriétaires tentent d’en prendre le contrôle et de faire renoncer au principe « un homme, une voix », pour favoriser les intérêts des plus riches. Certains membres retirent alors leur apport financier, plongeant la coopérative dans une situation financière difficile. Le projet commandé à Martinell (1921) ne peut donc pas être exécuté dans son intégralité.
Un premier coup d’œil à l’édifice permet de passer en revue les éléments les plus caractéristiques du modernisme en général, mais l’on voit bien que peu d'entre eux sont présents. Pour autant, on y trouve :
- des arcs caténaires (autoportants) ;
- des retours dans les structures ;
- des briques apparentes ;
- des socles en maçonnerie de pierre dans les façades.
L’architecte Martinell est généralement cité comme un homme du noucentisme. Toutefois, ses liens avec Gaudí et l’adoption, par le premier, de certaines solutions et de certains principes du second, nous incitent à le rattacher au modernisme. Le langage architectural de la coopérative correspond à la phase de transition entre le modernisme affilié à Gaudí et le noucentisme. L’influence de Gaudí, dont Martinell était un disciple, un ami, un biographe, un diffuseur et un spécialiste de l’œuvre, est évidente dans son travail.
Les principes de l’architecture agricole appliqués à cette coopérative étaient les suivants :
- fonctionnalité,
- économie,
- esthétique.
Martinell parvient à équilibrer simplicité de la construction, expression architecturale, fonctionnalité et monumentalité. Les ornements naissent d’une utilisation rationnelle des structures (ce sont les structures elles-mêmes qui sont décoratives). Ces dernières n'ont jamais été masquées par des ajouts ou des revêtements inutiles.
La conception des éléments fonctionnels est soumise au principe d'économie. La Première guerre mondiale fait beaucoup augmenter le prix de certains matériaux, comme le bois. Martinell part alors en quête de nouvelles solutions, à savoir :
• enfouissement des cuves et des trémies pour éviter l’utilisation d’isolant ;
• recours à la voûte catalane, dont la construction ne nécessite pas une main-d'œuvre spécialisée : la voûte catalane est une construction traditionnelle légère et qui nécessite peu de matériaux (pas de cintrage).
• utilisation d'arcs caténaires ;
• utilisation de briques, un matériau local (donc meilleur marché).
La coopérative est opérationnelle jusqu'en 1988, date à laquelle le dernier vin a été tiré. En 1994, elle est démolie à l’exception des vestiges encore visibles aujourd’hui.